Un chien écrasé au milieu d’une rue entourée de maisons bourgeoises. Dans l’indifférence la plus totale, les voitures passent. Nous sommes le 4 juillet, jour de la fête nationale aux États-Unis et tout le monde veut voir les festivités. Le chien, il y aura bien quelqu’un pour s’en occuper. Dans l’une de ces grandes maisons, un vieux jeune homme de 30 ans profite de ce long week-end pour fuir sa mère envahissante et possessive en allant rejoindre sa petite amie. Malcom Hyliard (William Swan) a tenté en vain de sortir des griffes de Cornelia (Olivia De Havilland), sa mère. En guise de note, il lui laisse une lettre lui expliquant qu’il commettra l’irréparable si elle ne lui laisse pas vivre sa vie comme il l’entend. Cette lettre, sa mère doit tomber dessus après qu’il soit parti. Mais l’ascenseur de la maison, installé après que Cornelia se soit cassé la hanche, tombe en panne alors qu’elle monte au premier étage. Il n’y a plus personne dans la maison et Cornelia est bloquée. Elle sonne l’alarme mais dans le brouhaha du 4 juillet, personne ne prend la peine d’aller voir ce qui se passe. Un clochard alcoolique (Jeff Corey) finit par entendre l’alerte. Mais en entrant dans la maison, il préfère voler des objets plutôt que libérer Cornelia. Il y a d’ailleurs un beau butin à partager dans cette demeure. Il appelle donc une vieille pute éméchée (Ann Sothern) pour l’aider à piller la maison. Mais un trio de jeunes délinquants (James Caan, Rafael Campos, Jennifer Billingsey) suivent les deux voleurs afin d’avoir aussi leur part du gâteau. Enfermée dans sa cage, Cornelia assiste impuissante au pillage de sa maison par ces cinq voleurs. Mais les plus jeunes feront preuve d’une violence extrême envers elle. De jeux sexuels sadiques à de la cruauté gratuite, allant jusqu’au meurtre, rien ne sera épargné à Cornelia.
Bien que réalisé en 1964, Une femme dans une cage (Lady in a cage) n’a pas pris une ride et est toujours aussi effrayant. Certes, la violence n’a pas d’âge mais le spectateur des années 2010 peut être étonné de la crudité de sa représentation dans ce film de Walter Grauman. Cette violence s’explique par le fait que les studios de cinéma, en difficulté face à l’explosion de la télévision, n’hésitaient plus à montrer des scènes extrêmes pour se démarquer des programmes télés. Qu’est-il arrivé à baby Jane ? (1962) de Robert Aldrich a ouvert la brèche aux films sadiques dans laquelle s’est engouffré Une femme dans une cage. On peut comparer ces films dans le fait que des stars hollywoodiennes ayant brillé dans les années 30/40, telles que Bette Davis, Joan Crawford et Olivia De Havilland, n’hésitent pas à casser leur image en se montrant dans des scènes dégradantes. Ces grandes dames savaient prendre des risques et n’ont rien à voir avec nos stars actuelles qui, dès qu’elles entrent dans la cinquantaine, n’ont plus qu’à nous offrir des sourires figés massacrés par des chirurgiens. Une femme dans une cage avait été proposé en premier lieu à Joan Crawford mais son calendrier ne lui permettait pas de l’accepter. Olivia De Havilland fait merveille dans ce rôle de femme torturée et apeurée mais où, dans le fond, elle est aussi une mère égoïste qui a étouffé son enfant toute sa vie. On est loin de l’image que nous avons tous en tête de l’adorable, voire insipide, Mélanie Hamilton d’Autant en emporte le vent (1939). De Havilland se fait vraiment malmener dans ce film jusqu’à se faire roter à la figure par Randall Simpson O’Connell (James Caan). James Caan, si l’on excepte une brève apparition dans Irma la douce de Billy Wilder, fait une entrée fracassante au cinéma dans le rôle de ce jeune délinquant. Tout comme un Marlon Brando, Caan est la bestialité incarnée. Une femme dans une cage ose montrer une bande de voyous drogués, dégénérés et cramés au point de se foutre de finir sur la chaise électrique. Ce film glacial met en avant une société égoïste, violente et de plus en plus indifférente.
Outre les acteurs, la réussite de ce film vient de la photographie de Lee Garmes et de la mise en scène oppressante de Walter Grauman. Réalisateur dont la carrière est difficile à suivre puisqu’il a surtout réalisé des téléfilms et des épisodes de séries telles que Les rues de San-Francisco ou encore Columbo. Dès le générique, qui fait penser au travail d’un Saul Bass : Grauman instaure un climat aussi pesant et désagréable. La musique de Paul Glass y est pour beaucoup. Glass a composé un jazz baroque dissonant et atonal qui donne au film une atmosphère encore plus claustrophobe. Musique qui vient enfin d’être éditée pour la première fois en cd sur le label Kritzerland.
On ne sort pas indemne de la vision d’Une femme dans une cage. Que vous soyez pessimiste, ce film vous confortera dans votre vision noire de la société. Que vous soyez optimiste, vous essaierez probablement de vite l’oublier sans y parvenir. Que vous soyez cinéphile, vous le rangerez religieusement aux côtés de Délivrance (1972) de John Boorman ou du film Les chiens de pailles (1971) de Sam Peckinpah.